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La première campagne d’Italie

Dernière mise à jour : 17 mai 2022

(24/03/1796 au 07/04/1797)


La campagne d’Italie est un véritable chef d’œuvre tant par la rapidité et l’irrésistibilité des troupes françaises emmenées par Napoléon Bonaparte que par ses conséquences géopolitiques. Aujourd’hui Maylis vous propose de marcher dans les pas des soldats de l’Armée d’Italie.


Nous sommes en avril 1796, voilà quatre années que la République est en guerre contre la Première Coalition et que des troupes françaises se battent dans le Nord de l’Italie. Lazare Carnot, chargé des questions militaires au sein du Directoire, établit en 1795 un plan d’attaque contre l’empire d’Autriche. L’effort principal des armées républicaines sera porté par les généraux Jourdan et Moraux sur le Rhin, tandis que l’Armée d’Italie fera diversion par le Sud. Le 2 mars 1796 Napoléon Bonaparte est nommé général en chef de l’Armée d’Italie. Personne n’imagine encore, pas même ses très expérimentés subordonnés comme Masséna, Augereau et Serrurier, que ce nouveau commandant changerait le cours de la campagne.


L’Italie n’est alors pas le pays unifié que nous connaissons aujourd’hui et se décompose en plusieurs royaumes, principautés et territoires. Les principales forces s’opposant à la France sont celles du royaume de Piémont-Sardaigne, regroupées entre Gênes et Turin, et l’Autriche qui dispose d’importantes réserves en hommes et en artillerie. Cette coalition hétéroclite comporte deux principaux points faibles : une absence totale d’unité politique et de coordination militaire. Une autre dimension cruciale de cette campagne est la géographie. En effet le Nord de l’Italie constitue un ensemble de plaines traversées par de très nombreux fleuves et affluents, encastrées entre les Alpes au Nord et les Appenins au Sud.



Napoléon conçoit un plan audacieux pour tirer profit des caractéristiques de ce théâtre d’opérations. D’abord vaincre le Piémont, maillon faible de la coalition, pour sécuriser son flanc Ouest et foncer sur Milan. Il pourra ensuite assiéger Mantoue, la place forte autrichienne qui verrouille les routes de Vienne et de Rome, pour ensuite s’élancer vers le Tyrol autrichien et menacer Vienne par le Sud-Ouest. Mais pour accomplir cette stratégie militaire et politique il lui faut pouvoir compter sur ses hommes. Or l’Armée d’Italie est bien mal en point : embourbée, mal ravitaillé et mal équipée –au point qu’il n’est pas rare de voir des soldats marcher pieds nus- elle compense cependant par la qualité de ses officiers. Dès sa prise de commandement, Napoléon insuffle à ses hommes par une série de discours, le courage et la confiance qu’ils avaient oubliés.

©wikipedia


"Soldats, vous êtes nus, mal nourris; le Gouvernement vous doit beaucoup, il ne peut rien vous donner. Votre patience, le courage que vous montrez au milieu de ces roches sont admirables; mais il ne vous procure aucune gloire, aucun éclat ne rejaillit sur vous. Je veux vous conduire dans les plus fertiles plaines du monde. De riches provinces, de grandes villes seront en votre pouvoir; vous y trouverez honneur, gloire et richesses. Soldats d’Italie, manqueriez-vous de courage ou de constance ?"




« Ma noblesse date de Montenotte », Napoléon.


Si Bonaparte entend prendre l’offensive c’est également le cas du général autrichien Beaulieu. Ce dernier cherche à tout prix à protéger la cité portuaire de Gênes pour préserver la liaison avec la flotte britannique de l’amiral Nelson. Lorsque Beaulieu apprend le 27 mars que des troupes françaises isolées s’avancent vers Gênes il croit à tort à un mouvement de toute l’armée française. Il décide alors d’attaquer l’aile droite de l’armée française et ordonne au général Argenteau de menacer le flanc gauche français dans un mouvement en tenaille.


Napoléon comprend d’emblée que les forces autrichiennes sont désormais divisée en deux et éloignées des troupes sardes. Tirant profit du relief accidenté de la région, il refuse son aile droite aux Autrichiens et lance Masséna et Laharpe sur Argenteau à Montenotte le 12 avril. Napoléon tient sa première victoire. Initialement en infériorité numérique, il a réussi à alimenter progressivement le champ de bataille en troupes aux endroits stratégiques. Il a parfaitement exploité le brouillard de guerre, selon l’expression consacrée par Clausewitz, désignant le flou informationnel dans lequel évolue les armées.



Napoléon recevant les drapeaux austro-sardes après la bataille de Montenotte; Roehn Adolpte 1812, Versailles, ©pop.culture.gouv


Les Français s’installent dans la vallée du Pô


Napoléon s’adressant à ses hommes à Cherasco : « Soldats, vous avez en quinze jours remporté six victoires, pris 21 drapeaux, 55 pièces de canon, plusieurs places fortes, conquis la partie la plus riche du Piémont […]. Les phalanges républicaines, les soldats de la liberté étaient seuls capables de souffrir ce que vous avez souffert […]. Amis, je vous la promets, cette conquête; mais il est une condition qu’il faut que vous juriez de remplir, c’est de respecter les peuples que vous délivrerez, c’est de réprimer les pillages horribles. Peuple d’Italie, l’armée française vient rompre vos chaînes; venez en confiance au devant d’elle."


Il remporte dans la foulée la bataille de Mondovi le 21 avril obligeant ainsi les Sardes à signer le traité de Cherasco le 28. Les coalisés perdirent en deux batailles plus de 12 000 hommes –le double des pertes françaises- le Milanais et la Lombardie. Le ravitaillement des armées républicaines et leur flanc gauche sont désormais assurés. Par une série de diversions et d’habiles manœuvres, Napoléon pourchasse Beaulieu en retraite vers Mantoue. Le 10 mai les troupes françaises culbutent l’arrière garde autrichienne à Lodi mais le gros de leurs troupes a déjà franchi le fleuve Adda. Lors de cette bataille les troupes françaises se sont distinguées par leur bravoure, n’hésitant pas à prendre d’assaut un pont sous les tirs des canons et des mousquets. Napoléon gagne alors le surnom de « petit Caporal ».



La bataille de Lodi par Louis-François Lejeune, 1804, Musée de l'Histoire de France, Versailles, ©wikipedia


Mais le Directoire, inquiet de l’intrépidité de Bonaparte et de sa capacité à imposer ses volontés à l’ennemi, entend tempérer le jeune corse en confiant une partie du commandement à Kellerman. Napoléon s’oppose farouchement à ce projet et obtient gain de cause après son entrée triomphale à Milan le 15 mai. En effet les troupes françaises sont accueillies par une foule en liesse qui cherche elle aussi à embrasser les idéaux révolutionnaires. Napoléon marque alors une pause dans la campagne pour s’atteler aux affaires civiles. En effet les cités italiennes libérées de l’occupation autrichienne forme bientôt, le 29 juin 1796, la République Cisalpine alliée de la France.



III) L’acte final d’une campagne qui est entré dans l’Histoire


Castiglione et Bassano


Le 15 juillet Napoléon fait assiéger la forteresse clé de Mantoue par les forces de Serrurier. Mais entre-temps les Autrichiens ont reconstitué leur force et le commandement est confié au général Wurmser, âgé de 72 ans, appuyé par le général Quasdanovitch. Ils prennent chacun la tête d’une colonne qui avance le long des cours de l’Adige et de la Chiese. Napoléon décide de lever le siège de Mantoue pour les anéantir avant qu’elles ne se rejoignent. Serrurier attire Wurmser vers Mantoue tandis que Napoléon défait Quasdanavotich le 3 août à Lonato. Il se retourne ensuite le 5 août sur Castiglione où Serrurier avait fixé Wurmser. Après une combinaison de feintes et de contre-attaques, Napoléon s’engage lui-même au combat avec un corps de grenadiers pour mener une offensive de rupture. Les 30 000 français mettent en déroute les 25 000 autrichiens au prix de 1500 morts et blessés, moitié moins que du côté autrichien.


La bataille de Castiglione par Victor Adam, 1836, musée du Château de Versailles, ©wikipedia


Wurmser est vaincu mais parvient à se réfugier dans Mantoue, qui est de nouveau assiégée. La situation se gâte pour les troupes françaises qui souffrent de maladie et attendent des renforts. Comprenant la détresse de la situation à Mantoue le commandement autrichien envoie en renfort le général Alvinczy à la tête de 45 000 hommes. Mais ce dernier commet la même erreur que Beaulieu et Wurmser avant lui : il sépare ses forces en deux sans mettre en place de véritable lignes de communication. Napoléon comprend la menace et prend de cours les Autrichiens. Il entreprend alors d’attaquer les Autrichiens à Rovereto le 4 septembre avant de les poursuivre et de les vaincre à Bassano le 8. Il a réussi, par une formidable vitesse d’exécution à disloquer les renforts ennemis, contraints de refluer vers Mantoue.




L’offensive française sur le Tyrol est retardée malgré cette série de victoires. En outre, le 12 novembre les Français sont repoussés à Caldiero où ils perdent 2000 hommes. Toutefois, la combinaison des manœuvres de Napoléon et les erreurs du commandement autrichien, ont conduit les troupes autrichiennes à s’enfermer dans une nasse dans leur progression vers Vérone. Napoléon, audacieux, entreprend au soir du 15 novembre de faire traverser l’Adige à ses hommes pour refermer le piège sur les Autrichiens. Alvinczy s’en rend compte et fait fortifier le village d’Arcole dont l’unique accès est son fameux pont sur l’Alpone. Le 16, Bonaparte n’a d’autres choix que d’ordonner l’assaut et s’élance personnellement, à la tête de ses hommes, sur le pont d’Arcole dont il tombera plusieurs fois.


Mais tout aurait pu s’arrêter là. Muiron, l’aide de camp et fidèle ami de Napoléon depuis Toulon, se jette devant lui pour le protéger d’un tir autrichien. Il n’y survivra pas. Le lendemain, Napoléon renouvelle l’assaut sur Arcole et profite de l’erreur des Autrichiens qui ont quitté leurs positions défensives pour contre attaquer. Ces derniers commencent à vaciller et Alvinczy ordonne la retraite lorsqu’il constate que le Français Augereau a entrepris de le prendre en revers par la route de Legnago. Les troupes républicaines auront perdu 4500 hommes pendant ces deux jours de combat contre 7000 côté autrichien. Cette victoire réside avant tout dans l’audace du plan de Napoléon, dans sa détermination et celles de ses troupes qui n’auront pas vacillé.


Bonaparte au pont d'Arcole par Antoine-Jean Gros, 1796, Musée du Château de Versailles, ©wikipedia



Nous sommes désormais au début de l’année 1797. Pendant deux mois les Français se renforcent et poursuivent le siège de Mantoue. Dans le même temps l’Autriche reforme une nouvelle armée de 45 000 hommes pour lever le siège de la forteresse. Le commandement échoit de nouveau à Alvinczy qui décide encore une fois de diviser ses forces pour mener une série d’attaque de diversion. Mais les Français peuvent compter comme depuis le début de la campagne sur un excellent réseau d’information (espionnage, éclaireurs) qui met au jour la stratégie autrichienne. Napoléon réunit 20 000 hommes pour porter secours à Joubert retranché dans Rivoli car il a désormais la certitude que c’est ici que se concentrent les efforts autrichiens. La ville et son relief en font une très forte position défensive, d’autant plus que la topographie du terrain favorise l’acheminement de renforts par le Sud.


En revanche les Autrichiens doivent emprunter des chemins beaucoup plus escarpés, ce qui ralentit la progression de leur artillerie et de leur cavalerie. Le 14 janvier la bataille débute et es premiers affrontements tournent à la faveur Autrichiens, au nombre de 28000. Néanmoins Masséna arrive à temps pour prêter main forte à Napoléon. En effet l’armée autrichienne est divisée en 6 colonnes dont la moitié attaquent au centre et une autre, attaque le flanc gauche de l’armée française. Napoléon comprend alors que le point faible dispositif autrichien est le centre, épuisé par une journée de combats. Il dirige alors un formidable barrage d’artillerie sur le centre autrichien tandis que Masséna met en déroute la colonne qui attaquait le flanc français. Rivoli est une éclatante victoire, les Autrichiens y perdent 14000 hommes contre 5000 pour les français. Mantoue capitule le 2 février.



Bataille de Rivoli par Félix Phillipoteaux, 1844, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, ©wikipedia


Napoléon renforce ses troupes, fortifie ses positions militaires et politiques, avant de marcher sur Vienne par le Col de Tarvis. Comprenant le danger que fait planer Napoléon Bonaparte sur Vienne, les Autrichiens évacuent leur capitale et entament des négociations. Par le traité de Campoformio signé le 17 octobre 1797 l’Autriche renonce à la Belgique (alors appelée pays-bas autrichiens), au Milanais, à la Lombardie et reconnait la République cisalpine. La victoire est totale pour l’Armée d’Italie qui, grâce à la bravoure de ses soldats, la qualité de ses officiers et le génie de Napoléon, entre dans l’Histoire.



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