Départ de Corse et siège de Toulon
Agé de 24 ans seulement, celui que l’on appelle encore Napoleone Buonaparte, entame le début de son irrésistible ascension.
Et pourtant, les débuts de l’année 1793 sont des plus incertains pour le jeune militaire nommé capitaine en juillet 1792. Rentré en Corse depuis quelques mois pour assumer ses fonctions au sein de la garde nationale corse, il y poursuit ses intrigues politiques. Le jeu politique se cristallise alors autour de l’opposition entre le clan Bonaparte et Pascal Paoli, figure incontournable de l’indépendantisme corse. Paoli, grand artisan de l’autoproclamée République corse instituée en 1755, vaincu par les troupes françaises à Ponte-Novo (9 mai 1769), avait rallié la Révolution en 1789. Si adolescent Napoléon l’admirait et partageait son désir pour l’indépendance de la Corse, adulte, ses ambitions et sa vision de la Révolution se heurtent à celles de son ancien mentor.
Napoléon et Paoli, gravure du XIXème siècle © Bianchetti/Leemage
En février 1793 Napoléon participe, sous le commandement de Paoli, à l’expédition décidée par la Convention pour prendre la Sardaigne. Mais c’est un échec sévère dont Lucien Bonaparte, frère de Napoléon, attribue la responsabilité à Paoli dans une lettre virulente adressée à la Convention. Cette dernière vote le 2 avril (1793) la destitution de Paoli, mettant ainsi le feu au poudre. Les notables corses se réunissent le 8 avril pour organiser leur résistance mais Napoléon prend avec ses frères le parti de Salicetti, farouche républicain corse et opposant de Paoli. Pis encore, les paolinistes découvrent que Lucien est l’auteur de la lettre adressée à la Convention et traquent alors les Bonaparte.
Le 5 mai Napoléon est même capturé mais il parvient à s’échapper grâce à la complicité d’amis de sa famille. Le 24 mai (1793) la maison familiale des Bonaparte à Ajaccio est incendiée et pillée. Napoléon et les siens se réfugient alors dans leur ferme de Milleli avant d’embarquer pour Toulon le 11 juin.
Le siège de Toulon (18 septembre 1793 – 18 décembre 1793)
Dans le même temps la situation politique s’enflamme sur le continent. La Révolution prend en effet un tournant avec l’exécution publique de Louis XVI le 21 janvier 1793, qui divise la Convention et frappe de stupeur les monarchies européennes. D’autant plus que la Convention décide d’exporter la Révolution au-delà des frontières nationales, par idéologie mais aussi par nécessité économique et militaire. Cela a pour conséquence de former contre la France la Première Coalition, composée des royaumes de Prusse, d’Espagne, du Portugal, de Sardaigne, de Bohème, de Hongrie, de Sicile, des Provinces Unies et surtout du Royaume-Uni.
A Paris la situation politique se tend avec l’aggravation des luttes de pouvoir intestines. Du 31 mai au 2 juin les députés girondins sont arrêtés et exclus de la Convention, ce qui entraine une série de soulèvements partout en France : Avignon, Marseille, Toulon, Lyon. Napoléon, affecté à Nice depuis son retour de Corse, est envoyé début juillet à Avignon sous le commandement de Jean-François Carteaux pour reprendre la ville aux insurgés. Fin juillet la cité des papes est de nouveau sous le contrôle des armées de la République. Mais le 28 aout Toulon, alors contrôlée par les monarchistes et les insurgés républicains (les fédéralistes) se livre à la flotte coalisée des amiraux Hood et Langara.
Napoléon Bonaparte au siège de Toulon, 1793, toile d'Edouard Detaille, Musée de l'armée, Paris, ©wikipedia
Les troupes de Courteaux prennent alors la direction de Toulon, bientôt rejointes par des détachements de l’armée d’Italie et des marins de la garnison de la cité portuaire. Nommé le 16 septembre commandant de l’artillerie, Napoléon entreprend la reconnaissance des positions ennemies. Les 17 000 coalisés sont solidement retranchés dans Toulon et s’appuie sur une série de fortifications qui sécurisent l’accès à la rade et sur leur flotte. Napoléon met alors en place une stratégie audacieuse : s’emparer des fortins de l’Eguillette et de Balaguier pour interdire l’accès à la rade et couper les lignes de ravitaillement des assiégés. Pour cela il préconise de mener une offensive avec 3000 hommes sur la colline du Caire. Courteaux, immobiliste, n’approuve pas le plan mais lance timidement 400 hommes à l’assaut de la colline.
Les coalisés repoussent facilement l’attaque et comprenant la faiblesse de leur position stratégique la renforce en hommes et en redoutes. Ils nomment leur position retranchée le fort Mulgrave, bientôt surnommé le petit Gibraltar. Après des échecs répétés Courteaux est relevé de son poste le 11 novembre, remplacé le 16 par l’expérimenté Dugommier qui reconnait la valeur du plan de Bonaparte et le nomme chef de bataillon. Ce dernier avait déjà entrepris de renforcer ses batteries de La Montagne et des Sans-cullottes par celle de La Convention. Conscient du danger que représente cette disposition de l’artillerie républicaine, les assiégés tentent une sortie le 30 novembre depuis le fort Malbousquet. Elle est repoussée de justesse par l’intervention de Dugommier et par le charisme de Napoléon. Ce dernier, au plus près des combats, insufflent un élan nouveau à ses hommes. Précédemment, il avait baptisé la batterie la plus exposée aux tirs ennemis la batterie des Hommes sans peur.
Dans la mêlée le général britannique O’Hara est capturé, les Français ont perdu 72 hommes, les coalisés 500. Les généraux Lapoype et Dugommier préparent la suite des opérations en s’appuyant sur les batteries organisées par Napoléon. Après d’intenses bombardements 6000 français se lancent à l’assaut du Petit Gribraltar dans la nuit du 16 au 17 décembre 1793. Les coalisés bien que surpris, résistent vaillamment pour couvrir l’évacuation des forts l’Eguillette et Balaguier. Napoléon prend personnellement part au combat lors de la deuxième vague et est blessé à la cuisse lors d’un corps à corps. Au petit matin le fort Mulgrave tombe, bientôt suivi de tous ceux qui ceinturaient Toulon, la position des coalisés devient intenable. Après avoir incendié une partie des arsenaux et des navires français à quai, ils évacuent Toulon par la voie maritime, pilonnés par l’artillerie commandée par Napoléon. Victoire !
Siège de Toulon (1793) par Jean-Antoine Fort, © Photo RMN-Grand Palais - G. Blot
Le siège de Toulon aura opposé au total 32 000 français républicains à 22 000 coalisés, les seconds y perdant 4000 hommes soit le double des pertes républicaines. Napoléon s’est beaucoup illustré lors de cet épisode, au point que Dugommier, dans une lettre adressée à la Convention, loue ses exploits et recommande qu’il soit promu. Chose faite le 22 décembre : Napoléon devient général de brigade à seulement 24 ans, ce qui lui vaut l’admiration de ses pairs. Ce siège fut également l’occasion pour lui de combattre avec plusieurs de ses futurs compagnons d’arme : Junot, Marmont, Massénat, Muiron, Suchet, Victor.
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